Saturday, September 30, 2006

Le soir léger

Le soir léger avec sa brume claire et bleue
Meurt comme un mot d'amour aux lèvres de l'été,
Comme l'humide et chaud sourire heureux des veuves
Qui rêvent dans leur chair d'anciennes voluptés.
La ville, pacifique et lointaine, s'est tue;
Dans le jardin pensif où le silence éclôt,
Chantent encor, discrètement, des fraîcheurs d'eau
Qu'éparpille, affaibli, le vent tiède et nocturne:
Des jupes font un bruit de feuilles sur le sable,
Les guêpes sur le mur bourdonnent à voix basse,
Des roses que les doigts songeurs ont effeuillées
Répandent leur énamourante âme de miel;
Une aube étrange et pâle erre aux confins du ciel
Et mêle en un profond charme immatériel
De la lumière en fuite à de l'ombre étoilée.
Que me font les soleils à venir, que me font
L'amour et l'or et la jeunesse et le génie!...
Laissez-moi m'endormir d'un doux sommeil, d'un long
Sommeil, avec des mains de femme sur mon front:
Ah! fermez la fenêtre ouverte sur la vie!
(Charles Guérin, 1873-1907)

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