Sunday, November 26, 2006

Chute

Chute d'hommes et de femmes. Chute de la foule délirante. Je cours pour me cacher. Je ne veux pas mourir écrasé. Il faut fuir. Il est vrai que j'ai trop bu, que j'arrive à peine à marcher, que j'ai mal aux jambes, que les miroirs vont se briser à force de réfléchir la barbarie; tout ça tombe du ciel, semble-t-il. Je me trompe rarement. Ma qualité, qualité rare, c'est la perspicacité. Je suis à l'abri, sous une porte-cochère; je vais attendre la fin de la fureur divine. Des bouillies sanglantes poussent comme des fleurs; elles sont presque belles à voir. Je ferme les yeux et je deviens aveugle pour toujours. Voilà que je m'affaisse, je me recroqueville, je pose ma joue sur mes genoux mais je ne me mets pas à pleurer. Peut-être vais-je perdre conscience. Le bruit est infernal, maintenant. Les corps craquent, explosent. Moi aussi, je craque, je vais exploser. Tout va mal, tout va de plus en plus mal. C'était fatal. La lâcheté aboutit inéluctablement au massacre des corps, à l'anéantissement pur et simple. Je commence à me réciter un poème. Ce poème semble avoir existé de tout temps, flotter à de multiples exemplaires dans l'espace. Un poème dont vous ne saurez jamais rien. Un poème en or. Un poème qui ne recule devant rien, et surtout pas devant la barbarie. Je les ouvre, les yeux, finalement. Tout a disparu. La chute des corps a fondu dans l'asphalte surchauffée. C'est au moment où je murmure cette phrase que je commence à rêver.

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