
Je me vengeais sur de vieux petits livres, comme les poésies d'Albert Samain, que j'avais cachées dans mon caleçon, comme Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre. Ce livre, minuscule, je l'avais dissimulé dans ma chaussure. Curieusement, le bouquiniste, qui, le nombre de ses livres diminuant considérablement, surveillait du coin de l'oeil tous les clients, ne remarqua pas ma lègère claudication. Un recueil de poésies du début du vingtième, aussi. Le vol de ce livre fut plus facile. Je le mis tout simplement dans la poche intérieure de ma parka. Les dés sont jetés, également,le dernier livre d'André Gide, me semble-t-il. Jamais je n'ai pu voler le choix de textes de Paul Léautaud par André Rouveyre. Trop difficile de le cacher. Impossible de le mettre sous le caleçon, ou même sous le pantalon. J'étais décontenancé. Finalement, j'achetai le livre en ayant bien pris soin d'en voler un autre, un tome de l'histoire de la Révolution française de Jules Michelet. J'essayai de marchander. Le bouquiniste consentit à me faire une ristourne de cinq francs sur cent dix. Je l'insultai en pensée. Je le haïssais.
Il y a bien longtemps que je n'ai pénétré dans cette bouquinerie. Je suis sûr que les livres que je n'ai pu voler sont encore là. Ils attendent de très hypothétiques acheteurs. En 2015, ils seront toujours sur leur étagère. Personne ne les aura lus, ni même ouverts. Au fond les voleurs de livres sont les vrais lecteurs. Il n'est pas sûr que ceux qui les achètent, qui ne prennent pas de risques, soient de bons lecteurs.
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