Sunday, December 03, 2006

Contre la nostalgie


En 1989, octobre, je crois, la barrière communiste s'écroula ,ce qui provoquait la fureur de Christian Laborde (l'auteur malheureux d'une seule phrase drôle: Longtemps, je me suis branlé de bonne heure.) qui déplorait que la chute du mur de Berlin fît disparaître à tout jamais les dessins artistiques qu'on y exécutait. La même année, ce fut une autre chute, celle du sentier lumineux de Nicolae Ceaucescu et de sa femme Elena, le procès de ces deux dictateurs; ce furent les fameux charniers de Timisoara. Tout cela, bien sûr, surmédiatisé. A l'époque, j'étais en première année d'université. Les activistes gauchistes prétendaient qu'on arrangeait des réunions néo-nazies dans les sous-sols, et même dans les toilettes de la faculté des Lettres. C'était le grand délire paranoïaque. J'ai beaucoup ri, à l'époque. Moins, pendant les cours, dans les amphithéâtres. Que je n'ai pas beaucoup fréquentés. Je ne pouvais supporter que de vrais fumistes à micro se moquent du monde, de moi. Je passais de longs moments à la cafétéria mais aussi, et surtout, dans une brasserie où je faisais des excès de Pelforth. Je me souviens d'une étudiante que j'avais toujours prise pour un homme jusqu'au jour où on l'appela par son prénom: Alexandra. Quelle surprise...J'étais renversé. J'ai appris un peu plus tard qu'elle était bisexuelle, qu'elle harcelait au téléphone une sorte de professeur des écoles échouée je ne sais comment à l'université et que ses collègues critiquaient beaucoup, ne la trouvant pas au niveau. J'ai appris aussi qu'elle voulait me sucer, qu'elle voulait sucer un peu tout le monde. Sa tête de bébé me répugnait. Elle semblait en vouloir à tout le monde. Elle était carrée comme un meuble. Je crois que le professeur qu'elle haïssait le plus était un spécialiste d'Arthur Rimbaud qui, habillé d'un pantalon de cuir, insultait les filles d'oies blanches et se moquait de la timidité des garçons qui ne crachaient pas comme les Arabes qui, eux, sont de vrais hommes. Tout le monde était un peu tétanisé par cet individu. Il est décédé maintenant. Lorsque je l'ai connu, c'était la dernière année de son calvaire, de son sida. Ses cours avoisinaient le néant. Mais il n'était pas le seul. Il y avait aussi un germaniste, qui se vantait d'être un ami de Gabriel Matzneff, mais aussi, et surtout, une sorte de dragueur misérable aux cheveux teints, un spécialiste de Francis Ponge au sourire figé. Je me souviendrai toujours de ses cours sur Char, Eluard et Ponge. Il devait rire sous cape, cet escroc. Comme le spécialiste du roman naturaliste qui lisait pendant des heures les préfaces des éditions de la Pléiade. Comme, aussi, cet hibou sinistre qui adorait lire les bibliographies.
Je préférais lire à la bibliothèque. Je reviendrai sur cette période que je ne regrette pas.

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