Sunday, December 10, 2006

Maurice Boissard


C'est en 1907 que Paul Léautaud commence ses chroniques, Les Chroniques de Maurice Boissard, ses critiques théâtrales pour le Mercure de France. Le plus important pour ce grand écrivain, c'était de dire la vérité, toute la vérité. Et c'est pour cette raison que le Chamfort du 6ème arrondissement, comme on le surnommait, était si redouté, haï. S'il trouvait qu'une pièce était médiocre, il le disait. Ou n'en parlait pas,préférant évoquer ses bêtes, la mort de son chien Span, par exemple, -très beau texte. Léautaud, l'écrivain entre le sarcasme et la profonde émotion. Un jour, Alfred Vallette lui retira sa chronique, effrayé qu'il était par l'anticonformisme de l'ermite de Fontenay aux Roses. Celui-ci se tourna vers les Nouvelles littéraires, dirigées par le précieux et cul-pincé Maurice Martin du Gard, Jacques Guenne et Frédéric Lefèvre qui detestait ces deux derniers, les traitant d'enculés. Evidemment, la collaboration de Léautaud eut des hauts et des bas, Martin du Gard étant souvent choqué par la liberté de ton d'un écrivain d'une honnêteté, d'une liberté déconcertantes pour lui. A La Nouvelle revue Française, un passage sur Jules Romain (qui prétendait créer une école de poésie!) fut censuré par Jacques Rivière. Non, on ne pouvait critiquer un écrivain de la maison. C'était trop scandaleux. Léautaud scandalisait également les crétins qui fréquentaient le salon d'Aurel, "la morte profanée", à propos de laquelle Léautaud écrivit cette épitaphe: Ci-gît Aurel, au naturel. Aurel, dont le mari, Alfred Mortier, un beau jour, eut dans l'idée de frapper Léautaud qui le repoussa avec calme. Le lendemain, la rumeur disait que Léautaud avait été giflé. Aurel, la pauvre Aurel, dans le salon de laquelle, un jour, entra Léautaud, portant une fausse barbe pour qu'on ne le reconnaisse pas. Il raconte cette histoire savoureuse dans Passe-temps.
Oui, Léautaud, un homme d'une grande probité, comme disait Louis Calaferte (qui parle de Léautaud dans son journal, Les chemins de Sion). Il admirait beaucoup Les Butors et la Finette de François Porché, ce qui ne l'empêchait pas de garder sa lucidité er de critiquer d'autres oeuvres de cet auteur. Toujours dans son style naturel. Ce haïsseur de périphrases qu'était Léautaud, cet ennemi de la phraséologie (qui en avait fait, lui aussi, dans ses Essais de sentimentalisme) avait ces mots à propos de la littérature: "Le vrai talent littéraire, c'est d'écrire des livres comme on écrit des lettres, absolument. Tout ce qui n'est pas cela n'est que pathos, pose, rhétorique, enflure." Il accusait Jean-Jacques Rousseau et ses suiveurs d'avoir fait du mal à la littérature, d'avoir ôté le naturel aux sentiments, au style.

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