Un jour que je croisai un artiste peintre ossète, il me demanda de l'accompagner dans une sorte de cantine pour pauvres, aux Brotteaux, quartier bourgeois de Lyon. Dans la grande misère, touchant le RMI (qui pour certains est un vrai fardeau, je dis bien: pour certains) , il s'y rendait régulièrement. Pour l'artiste peintre, c'était très intéressant pour moi (qui tiens mon journal) d'observer la misère, de prendre des notes sur ce quart-monde. Je prénétrai dans une grande salle remplie de pauvres, c'est bien le mot qui convient. Je ne les appellerais ni Rmistes ni SDF, mots affreux créés par d'infâmes démocrates démagogues. Je m'assis à une table; l'ami peintre m'y rejoignit une assiette à la main. Je ne me souviens pas de la garniture; par contre, je me souviens des trois centimètres de panure qui recouvraient de très fines tranches de poisson. Je ne mangeai pas; je venais de sortir de table. Je regardais autour de moi; je contemplais une mère avec ses enfants. Bien maigre, cette famille. Il manquait le père. A ce propos, l'ami peintre me chuchota que celui-ci était en prison. C'était fort probable. Je regardais ce sous-prolétariat, bien pâle, presque jaune, presque vert, comme anémié. Une grande compassion pour ces êtres me saisissait. Je baissai la tête; j'étais trop curieux pour qu'on ne me remarquât pas. Je voulais quitter ce monde parallèle. L'ami peintre mangeait gloutonnement, n'ayant pas rempli son estomac famélique depuis quelques jours. Je me disais cette phrase simple: il y a des têtes de pauvre. Des visages où se marient la détresse morale et l'habitude de la mauvaise alimentation. Quand on est pauvre, ça se voit. Nul besoin de détailler les vêtements; le visage est un livre ouvert. Je suis sorti bouleversé de cet enfer.
Cela me rappelle, même si cela n'a pas grand chose à voir, le jour que j'étais allé à la SPA, près de Lyon, accompagnant un ami qui cherchait un chat. L'endroit était sinistre. Une sorte de mouroir animal. Les animaux vous regardant fixement, mendiant votre affection. Tous enfermés. Je me souviens d'un chaton emprisonné dans une cage si petite qu'il pouvait à peine s'y retourner, me tendant la patte à travers les barreaux, et miaulant faiblement, comme appelant à l'aide. Je suis parti renversé.
No comments:
Post a Comment