C'est en 1571, à l'âge de 38 ans, que Michel Eyquem se retire en ses terres. Il en avait assez de sa charge de conseiller des aides à la cour de Périgueux, des servitudes de la cour, préférait la retraite. Comment ne pas le comprendre? Cette charge devait être bien pénible pour un homme cultivé dont l'esprit se référait sans cesse à l'Antiquité. C'est à cette époque qu'il débute la rédaction des Essais, malgré sa maladie, cette maladie étrange et incurable, la maladie de l'homme de pierre qui ossifie les muscles, les tendons etc., jusqu'à la pétrification générale. N'oublions pas non plus que le philosophe qui dialoguait avec les Anciens a été poursuivi toute sa vie par de violentes coliques; on ne peut lire les Essais en ignorant que celui qui les rédigeait se savait condamné.
Je suis toujours saisi d'émotion à la lecture de Montaigne, un homme qui souffrait, un homme qui nous apprenait à mourir mais aussi et surtout à vivre. A la lecture de la langue du XVIème siècle, dite Français Moyen, en vérité, peut-être la plus belle langue française, à l'orthographe parfois fantaisiste (pas encore normée). A la lecture d'un humaniste qui, déjà à son époque, bien avant la Querelle du XVIIème siècle, Querelle inititée par Charles Perrault, avait définitivement pris le parti des Anciens. (A ce propos, je recommande La querelle des Anciens et des Modernes, et surtout, dans le même volume, l'essai de Marc Fumaroli: "Les abeilles et les araignées." ) Cicéron, Lucrèce, Sénèque... Les auteurs latins que Montaigne connaissait depuis son enfance, qu'un précepteur allemand ne sachant pas un mot de Français lui enseigna dans la langue impériale. Les auteurs latins mais aussi un auteur qui est lui-même la matière de son livre.
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