Sunday, January 07, 2007

Drôle de personnage


J'ai perdu l'habitude d'acheter des livres. J'en achète un de temps en temps. La semaine dernière, c'était American Black Box de Maurice G. Dantec. Hier, un livre de critiques littéraires d'un Américain, Stephen Vizinczey. Le titre: Vérités et mensonges en littérature. Je recommande le texte sur Vladimir Nabokov, texte qui remet les pendules à l'heure à propos de Lolita. Le texte qui m'a le plus frappé et celui évoquant la grande figure (dont j'ai toujours trouvé Faust très pesant) de Goethe.
Vizinczey a cette formule frappante à propos de l'homme Goethe: "Il avait les dons d'un grand poète et l'âme d'un valet." Ce grand personnage de la cour de Weimar, à la tête de la police secrète, faisait espionner les étudiants et les professeurs soupçonnés de soutenir la Révolution Française. C'était un féroce conformiste qui considérait comme un malheur d'être dans l'opposition. C'était un faux ami qui se servait des confidences du pauvre Schiller (qui le considérait comme un ami) pour avoir des informations sur les éventuelles Révolutionnaires. Mais Stephen Vizinczey ne s'en prend pas seulement à l'homme, ce qui serait forcément réducteur. Il soutient que le conformisme de Goethe avait de graves conséquences sur son oeuvre. Il donne l'exemple d'un passage de Faust, qu'il supprima, la condamnation à mort de Gretchen, une infanticide, pouvant laisser à penser qu'il était critique sur la peine de mort. Il supprima quelques Elégies romaines qu'on trouvait un peu trop libertines.
Stephen Vizinczey considère que Werther est illisible. On ne peut lui donner tort. A propos de cette oeuvre, le critique américain a ces mots:" Manifestement, quand Goethe écrivit cette oeuvre, il ne savait pas de quoi il parlait." Il ajoute que son "registre émotionnel est limité", n'ayant connu l'amour que très tard. Goethe,un tombeur de soubrettes se vantant de son grand pouvoir de séduction, était donc un faux sensible? Cela semble n'être que trop vrai. Dans cet article, il est dit également que Goethe fut à l'origine (peut-être pas le seul mais tout de même!) de la condamnation à mort d'une jeune domestique, nommée Gretchen, comme dans Faust! coupable elle aussi d'infanticide. La critique de Goethe va encore plus loin, Stephen Vizinczey soutenant que le grand écrivain allemand a plus contribué au soutien des classes cultivées à Adolf Hitler que Nietzsche. En effet, Faust montrerait qu'on peut commettre des actes ignobles tout en gardant sa noblesse d'âme.
Je finirai en citant cette question d'un autre critique, David Luke, à Stephen Vizinczey: "Mr. Vizinczey aurait-il préféré que Goethe meure jeune comme Kleist, ou fou comme Hölderlin?" La réponse de Vizinczey: "Eh bien, oui."

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