Il y a une dizaine d'années, un matin que j'avais bu trop de pastis, j'avais fait une déclaration d'amour à une brésilo-bretonne bouddhiste et végétarienne. Elle avait ri bêtement, comme à son habitude. Un peu plus tard, elle m'invita chez elle, et, comptant coucher avec elle, (même si elle n'était pas très belle), je la serrai dans mes bras. A ce moment-là, elle se mit à me parler de son gourou qui lui avait appris à réfréner ses émotions et surtout à mépriser la viande animale. Elle ouvrit un placard dans lequel trônait un bocal d'algues. L'odeur me renversa l'estomac. Je me doutais bien qu'elle perdait la tête. J'en eus la confirmation une nuit de la Saint-Sylvestre où elle servit à table une grande assiette d'endives. Il fallut que je me lève pour prendre un peu d'huile. Oui, elle avait de l'huile. Vous imaginez que je ne pus terminer cette assiette qui me minait le moral. J'avais pris mes précautions: j'avais mangé avant et amené une boîte de chocolat. Pour la petite anecdote, ce pur esprit, cet ange débile n'avait même pas prévu de vin. Elle avait très peur de l'alcool, des effets qu'il pouvait avoir sur elle. Elle ne voulait surtout pas perdre la maîtrise d'elle-même. C'était magnifique. Elle avait peur d'être au naturel. Un jour, elle me dit qu'il ne fallait pas être charitable avec les mendiants, que s'ils se trouvaient dans cette situation, c'est qu'ils payaient un mauvais karma. Elle avait un air hautain. Elle ricanait. Elle se moquait de moi. Je n'étais pas encore arrivé à son niveau de mysticisme. Il fallait que je la laisse tomber cette amie terrifiante qui devait ingérer dix calories par jour. Elle était un peu forte mais de là à ne plus rien à manger. A un moment donné, elle prétendait qu'on pourrait un jour se nourrir avec l'énergie solaire. Je me doutais bien que c'était une fleur. Une fleur maladive.
Un autre souvenir. C'est avec elle que j'ai vu le film le plus débile de tous les temps, Hooks, de Steven Spielberg, je crois.
Quelques années plus tard, je la croisais sur le pont de la Guillotière. Elle devait peser trente-cinq kilos, sa figure était très allongée, ses joues creuses. Sa folie s'était approfondie. Elle était en compagnie d'un barbu,de très grande taille, aux cheveux longs et à moitié chauve. Je feignis de ne pas la voir. Il faut parfois éviter les gens. De quoi aurais-je parlé? D'écologie? Il faut fuir ceux qui parlent d'écologie.
Une note positive, tout de même. Une amie de l'ange débile: une soeur, soeur Aïda, une Chrétienne libanaise pratiquant un amour flegmatique très rafraîchissant. Parfois, je la regrette.
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