Saturday, October 07, 2006

Déplacement de population

La vie n'est pas aussi étrange qu'on le prétend.
Je ne comprends pas la surprise des gens.
Il serait temps
de s'enivrer une bonne fois pour toutes.
Acceptant son sort, la foule grossit dans le décor de théâtre.
Le froid est entré dans mon corps, je suis comme un acteur qui va feindre de mourir.
La foule est bien encadrée, la révolte n'éclatera pas. On ne la tolérerait pas. Les forces de l'ordre sont mobilisées en grand nombre. Dans le silence, le froid est plus intense encore. Je me suis mal réveillé ce matin. Des bribes de soleil se sont écrasées sur la foule taciturne. Je pourrais presque la voir à travers mes mains, la foule, la triste foule. Pétrifié, le moment, immobile. Je suis de marbre. Si ça continue, je vais tomber en morceaux. Des autocars sont visibles, à cent mètres de la foule massée.
Le vent se lève et j'entends un hurlement, le hurlement d'un élément de la foule.
Je dors debout, il n'y a pas d'autre explication possible.
Le froid n'existe pas, le soleil ne s'est pas brisé,
l'histoire humaine n'a jamais eu lieu,
nous sommes risibles, quelle malchance...
L'élément réfractaire est abattu sur le champ.
Un ordre est donné et la foule (qui a grossi encore) se met en marche, se dirigeant vers les autocars, pour une destination toujours inconnue. Un individu marmonne des insultes. Peut-être sont-ce des insultes à la foule. Ou aux forces de l'ordre, mais cela est moins sûr. Parle-t-il vraiment?Il m'a pourtant semblé voir ses lèvres bouger. La neige ne tombe pas, étant suspendue dans l'air. Tout se passe comme si je me trouvais à l'intérieur d'une photographie ancienne, en noir et blanc, puisque les couleurs ont fondu, subitement; mon corps est jaune; comme la neige, comme l'espoir, comme la tyrannie, comme la haine, comme vous tous. Nous sommes devenus des photographies sur des pierres tombales, c'est ainsi.
Le moteur des autocars se met à tourner et ils avancent.
Au fur et à mesure qu'ils s'éloignent, ils s'évanouissent dans l'air (jaune).
Bientôt, une autre foule ocre attendra son tour, elle aussi.
Bientôt, la poésie aura son mot à dire.
Bientôt, la poésie sera l'arme des damnés, des opprimés.
Bientôt, on me tapotera l'épaule et moi aussi, comme vous, je me retrouverai dans la foule.

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