Monday, October 30, 2006

Les animaux

Maintenant, il est sûr que la limite est atteinte.
Nous sommes à côté du paradis: nous sommes barricadés.
Je me récite des poèmes vieux de cent-cinquante ans dans la rue et, bien entendu, on s'imagine que j'ai créé une nouvelle langue pour faire mon intéressant. Non, ce ne sont pas des animaux. C'est un troupeau d'êtres étranges qui parcourt la ville dans tous les sens dans l'espoir de trouver des victimes. Je ne crois pas me tromper. Ni des hommes, ni des animaux. Peut-être des hybrides, au fond. Ils sèment l'épouvante chez les rats.
Règle de vie à suivre: ne pas avoir peur, jamais.
Rester serein et imaginer les futurs possibles.
Surtout: ne pas perdre la tête. Les sentiments sont vos ennemis.
Si vous le pouvez, prenez des notes sur ce que vous voyez, ce que vous constatez. Prenez du recul. Ecrivez. Relisez-vous, veillez aux fautes d'orthographe. Ayez toujours une grammaire près de vous. Soyez vigilants.
Le troupeau avance, tout cède: voitures, bancs, murs.
C'est la force à l'état brut. Un oiseau est tombé de son nid. Une aile bat encore.
Mon corps semble devenir transparent.
Comme si je n'étais pas de cette époque et que j'assistais au spectacle de l'avenir.
Tout se calme, brusquement, le troupeau s'est éloigné.
Silence sur la ville en pleine désolation. Il est six heures dix du matin. (Il faut être précis.) Un chien qui boite, qui pose sa tête sur mon genou, couine de douleur. Il pose sa patte sur la feuille de papier. Je suis assis à la terrasse d'un café. Je lutte contre une forte nausée. Il faut malgré tout continuer à écrire.
Tout le monde sait que le troupeau d'hybrides va revenir.
Une simple déduction: ces êtres sont les plus forts. La résistance est nulle.
Pauvre animal, il lui prend parfois l'envie de mourir.
Heureusement, il a assez d'humour pour se moquer de lui-même, mais pas trop, l'autodérision confinant souvent à la crétinerie.
J'espère que les chiens évolueront un jour jusqu'à l'acquisition de la parole.
Les autres planètes sont inhabitables, j'entends un bruit de galops.
Je me remets à écrire. Le chien pleure, la tête, maintenant, posée sur ma chaussure.

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