Il est des fascinations qui ne durent pas longtemps et c'est bien mieux comme cela. A quatorze ou quinze ans, je ne cessais de lire, relire la poésie de Victor Hugo. J'étais très jeune; l'artillerie lourde m'impressionnait; les rimes si souvent riches me transportaient: je voulais être Victor Hugo ou rien. J'alignais des vers dans des cahiers Clairefontaine. Je m'adonnais au pathos; je tentais d'imiter Le Crapaud, Les pauvres gens et Conscience; j'étais satisfait de mes alexandrins. J'essayai de composer, moi aussi, une pièce de théâtre, qui ressemblât à la première pièce du héros national de la littérature, une oeuvre presque inconnue: Irtamène. On était épaté autour de moi, surtout mon père, qui disait et dit toujours à propos de Victor Hugo: "C'est le plus grand! Il écrase tout le monde." Même Charles Baudelaire. Baudelaire! C'est en le lisant que, petit à petit, j'ai coupé le cordon avec mon grand-père spirituel, le poète de métier, la conscience du 19ème siècle, le grand homme, le grand humaniste Victor Hugo.
Il y a deux ou trois ans, je relisais des poèmes des Orientales et je fus frappé par la médiocrité de cette poésie de pacotille évoquant une Espagne de carton-pâte. Il va sans dire que je reposai le livre très vite. Je ne peux plus lire Victor Hugo. Je suis, maintenant, dans l'incapacité de me concentrer plus de dix minutes sur une de ses oeuvres. J'avoue que, même si je suis très loin du romantisme, j'apprécie beaucoup plus La mort du loup ou Les destinées d'Alfred de Vigny qui, pour moi, était davantage doué pour la poésie. Il semble que Victor Hugo, à la fin de sa vie, était devenu gâteux en écrivant L'Art d'être grand-père.
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