Zone maudite

Oui, c'est ça, j'ai pénétré dans la zone maudite. Je me disais que je n'allais pas chercher longtemps. Les quêtes ne sont pas aussi longues, aussi ardues qu'on le dit. Ce sont des formes, là-bas, qui se balancent. Je ne vois pas très bien; ma myopie s'accélère; je ne veux pas devenir aveugle. J'ai la sensation de me balancer, moi aussi. Tout à l'heure, je pleurerai des larmes de sang, comme dans un film d'horreur. Mon corps tremblera, comme ceux-là, les mannequins ridicules. Peut-être saignent-ils. On ne sait jamais. J'imagine un poème que je ne finirai probablement jamais. Je n'ai plus la force de courir après les rimes et les allitérations. Ma carrière de poète est terminée. C'est mieux comme ça. Maintenant, je peux voir plus attentivement. Ce n'était donc qu'une hallucination? Il semble que j'aie pris la place des condamnés à mort, que c'est mon tour, maintenant. Tant pis pour moi. Je saigne. C'est la réalité. Les délires n'existent pas dans la zone maudite. Je vais rendre mon coeur répugnant. Mon haleine fétide va empoisonner l'atmosphère. On m'insulte. On ne peut comprendre qu'un individu de mon espèce puisse continuer à vivre. On me dit que je suis absurde. Je suis sur un tas de sable. Je sens quelque chose autour de mon cou. On ne sort jamais de la zone maudite. Les rayons de soleil s'échappent de ma poche. Les nuits s'accélèrent, comme les mises à mort. Les rats sont dans l'incapacité de quitter le navire. Je me vois dériver. Ce n'est pas aussi désagréable qu'on le prétend.